© Pierrick Verny
Hôtel Belvédère, Cerbère. Un paquebot immobile fiché dans la roche, à la frontière franco-espagnole, posé là comme une anomalie moderniste au bout du monde. Entre Collioure et Cadaqués, face à la Méditerranée, le bâtiment surgit au-dessus de la corniche et de la voie ferrée, condamné à rester à quai.
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Construit entre 1928 et 1932 pour Jean-Baptiste Deleon, ancien garçon de café du Pays basque, l’hôtel est pensé comme un geste technique et symbolique. Sa structure en béton armé, à une époque où le matériau commence tout juste à s’imposer dans l’architecture civile du Sud, traduit l’ambition : ériger un transatlantique terrestre, combiner l’esthétique Art déco et les codes navals, poupe aiguë, coursives arrondies, terrasses panoramiques, jusqu’au court de tennis sur le toit. L’idée était simple et audacieuse : offrir aux voyageurs en transit l’impression d’être déjà en mer.
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À l’intérieur, chaque pièce raconte une ambiance différente : carrelages de ciment variés, salons qui se succèdent, chambres entièrement tournées vers l’horizon. Le restaurant panoramique, véritable signature du lieu, change de tonalité au rythme de la lumière, prolongé par une salle de bal, un casino et même un court de tennis sur le toit.
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Puis la guerre fige tout. En 1941, l’établissement est réquisitionné par l’armée allemande. Le navire devient caserne, contrarié dans son usage premier, puis traverse des décennies d'usure et projets de destruction. Dans les années 80, il manque de disparaître définitivement : une route nationale devant le remplacer. Mais Jean-Charles Sin, arrière-petit-fils de Deleon, refuse le naufrage. Avec son épouse Paqui, il se bat, dossier après dossier, pour faire reconnaître la valeur patrimoniale du Belvédère et obtient son inscription aux Monuments Historiques en 1987 puis son classement en 2002.
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© Pierrick Verny - Jean Charles Sin
L’hôtel renaît progressivement. Les anciennes chambres deviennent sept appartements lumineux et le lieu vit au rythme des évènements culturels et notamment du festival de cinéma qu'il organise chaque automne.
Le Belvédère reste ce qu’il a toujours été : une escale hors du temps, un navire de béton qui regarde la mer sans jamais lever l'ancre.
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Pour embarquer à votre tour, rendez-vous sur le site de l'Hôtel le Belvédère du Rayon Vert et ici pour en savoir d'avantage sur le travail de Pierrick Verny.